Ukraine / Russie
Contre-espionnage ukrainien et arrestations d'agents russes :
Le Service de sécurité de l'Ukraine (SBU) a mené une campagne de contre-espionnage particulièrement active, annonçant une série d'arrestations d'agents travaillant pour le FSB (Service fédéral de sécurité) ou le GRU (Direction principale du renseignement de l'État-major russe) sur l'ensemble du territoire ukrainien.
À Kiev, le SBU a arrêté plusieurs agents, dont un "correcteur" de frappes aériennes qui transmettait les coordonnées des défenses antiaériennes ukrainiennes. Un autre duo d'agents a été interpellé à Kiev et Mykolaïv pour avoir divulgué des informations sur les mouvements des avions de combat ukrainiens. L'un d'eux, une femme au chômage, observait les décollages depuis son balcon.
À Kharkiv, une femme a été arrêtée pour avoir repéré les positions des Forces de défense ukrainiennes pour le compte du FSB, après avoir attiré l'attention en appelant à la création de "zones tampons" sur les réseaux sociaux.
À Lviv, un chômeur de 57 ans a été appréhendé alors qu'il cherchait des bases aériennes militaires pour le compte de la Russie, utilisant sa voiture pour ses reconnaissances et Google Maps pour marquer les géolocalisations.
À Odessa, plusieurs opérations ont été déjouées. Un agent du GRU a été arrêté alors qu'il fabriquait des engins explosifs improvisés (EEI) destinés à des attentats. Un autre agent a été capturé en flagrant délit alors qu'il posait une bombe sur une aire de jeux pour assassiner un militaire ukrainien.
À Ivano-Frankivsk, une tentative d'attentat terroriste à grande échelle a été évitée grâce à une écolière de 15 ans. Contactée par le FSB pour assembler et poser une bombe dans un parc, elle a prévenu le SBU, qui a suivi l'opération et documenté les menaces des services russes qui prévoyaient de faire exploser la bombe à distance, tuant à la fois les civils et la jeune fille.
Contexte stratégique et implication de la CIA :
Un rapport d'Euromaidan Press révèle le rôle crucial mais discret de la CIA dans la reconstruction des services de renseignement ukrainiens après 2014. Face à un SBU et un HUR (Direction principale du renseignement du ministère de la Défense ukrainien) infiltrés et défaillants, la CIA a investi des millions de dollars pour les transformer en une force moderne et proactive. Le HUR a été le principal bénéficiaire, devenant une sorte de "Mossad pour Poutine", capable de mener des opérations de sabotage et de guerre électronique en profondeur. Ce partenariat, forgé au prix de risques personnels importants par des dirigeants ukrainiens, a permis la création de bases secrètes près de la frontière russe, mais pose aujourd'hui la question du contrôle de ces services devenus très autonomes.
Autres fronts et répercussions :
Le conflit s'étend à d'autres pays. Le président Zelensky a révélé des opérations d'espionnage hongrois dans la région de Zakarpattia, où des agents s'intéressaient aux systèmes de défense aérienne et sondaient l'opinion locale sur la présence de "soldats de la paix" hongrois.
En Russie, une artiste et activiste de Samara, Irina Izmailova, a été condamnée à 20 ans de prison pour avoir fabriqué des explosifs sur ordre des services de renseignement ukrainiens, illustrant les répercussions du conflit sur le sol russe.
Enfin, dans le domaine de l'OSINT (renseignement de sources ouvertes), des enquêteurs ont réussi à pister les mouvements du navire espion russe "Amiral Vladimirsky", démontrant la difficulté pour la Russie de maintenir la discrétion de ses moyens navals.
Europe (hors Ukraine et Russie)
L'Europe est un théâtre majeur des tensions géopolitiques mondiales, confrontée à l'espionnage russe et chinois, à des scandales de surveillance interne et à des réorganisations de ses services de renseignement.
Allemagne : Le renseignement allemand est en pleine mutation et alerte sur de multiples menaces.
Martin Jäger, ambassadeur en Ukraine, va prendre la tête du BND (Service fédéral de renseignement), remplaçant Bruno Kahl, nommé au Vatican.
Le BND a averti que la Russie pourrait utiliser des tactiques de "petits hommes verts" pour tester la solidarité de l'OTAN (Article 5).
Sur le plan intérieur, l'agence de renseignement a signalé une augmentation de 77 % du nombre d'extrémistes de droite au sein du parti AfD, le classant comme "extrémiste" et intensifiant sa surveillance.
Le pays est aussi le théâtre d'opérations étrangères, comme le révèle le cas d'un citoyen allemand chrétien persécuté par l'agence turque MIT.
Royaume-Uni : fait face à des menaces d'espionnage et à des controverses sur ses propres opérations.
Une inquiétude majeure, partagée par les États-Unis, concerne le projet de construction d'une immense ambassade chinoise à Londres, qui pourrait devenir une "base pour leurs activités d'espionnage paneuropéennes".
Le gouvernement de Keir Starmer est sous pression concernant les vols de surveillance de la RAF au-dessus de Gaza et le partage de renseignements avec Israël.
Le monde du renseignement a aussi vu le décès de Frederick Forsyth, ancien espion du MI6 et auteur de thrillers d'espionnage, et une actualité financière avec la société d'intelligence Audere Group obtenant des fonds d'une entreprise ciblée par un vendeur à découvert.
France : particulièrement ciblée par l'espionnage technologique chinois et renforce ses capacités de lutte.
Une affaire majeure révélée par Intelligence Online fait état de "grandes oreilles" chinoises : une antenne illégale déployée par une entreprise chinoise près de sites spatiaux critiques d'Airbus et du CNES à Toulouse, soupçonnée d'espionner les communications satellitaires. Cette opération est liée à la perte mystérieuse en 2023 du satellite SPOT-7, vendu par Airbus à l'Azerbaïdjan, que les services français imputent à un acte hostile de Pékin.
Le Ministre de l'Intérieur échoue à expulser un entrepreneur chinois dans le prêt-à-porter soupçonné par la DGSI d'animer un commissariat clandestin abrité derrière une association de la province du Fujian [Intelligence Online].
En parallèle, la France a intensifié sa coopération avec les États-Unis dans la lutte contre le trafic de drogue en déployant des analystes GEOINT et d'interception à Key West, en Floride.
Sur le plan intérieur, un responsable de la sécurité de Radio France a vu sa licence révoquée en raison de liens présumés avec des islamistes tchétchènes.
Pavel Durov, fondateur de Telegram, mis en examen en France en août 2024 et sous contrôle judiciaire, teste par voie par voie de presse (podcast de Tucker Carlson et Le Point) les services français en affirmant notamment que le DGSE en personne l'avait sollicité pour manipuler la dernière élection roumaine via Telegram.
Italie : secouée par un scandale de logiciel espion et des intrigues internes.
Le gouvernement italien a mis fin à son contrat avec la société israélienne Paragon suite à des allégations d'utilisation de son logiciel espion pour pirater les téléphones de critiques, notamment des journalistes et des membres d'une ONG. De nouvelles cibles, dont un journaliste du média Fanpage, ont été identifiées.
Une histoire digne d'un roman d'espionnage a éclaté : la voiture de l'ex-compagnon de la Première ministre Giorgia Meloni aurait été fouillée par des agents des services secrets, déclenchant une enquête pour faire la lumière sur cette opération suspecte.
Pologne, Suisse, Danemark, République Tchèque, Malte
La Pologne est en première ligne face à l'espionnage russe. Un homme de 28 ans a été arrêté pour avoir transmis des informations sur des infrastructures critiques. Un cas détaillé concerne un adolescent canadien de 17 ans, recruté par le FSB à Donetsk, payé en cryptomonnaies et arrêté à Varsovie après s'être auto-dénoncé.
En Suisse, une enquête a été ouverte sur un officier du renseignement accusé d'avoir divulgué pendant plus de cinq ans des informations classifiées à l'agence russe GRU via la société de cybersécurité Kaspersky.
Au Danemark, dans une démarche notable de souveraineté numérique, une agence gouvernementale a décidé d'abandonner les logiciels Microsoft au profit de solutions open-source comme LibreOffice.
En République Tchèque Le tribunal de Prague a condamné un ressortissant colombien à huit ans de prison pour un attentat terroriste, après qu'il a tenté d'incendier des bus sur instruction d'un contact via Telegram, en échange de 3 000 dollars.
A Malte, un tribunal a condamné Robert Agius à la réclusion à perpétuité pour avoir fourni des explosifs de qualité militaire utilisés dans l'assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia en 2017.
Moyen-Orient
Au-delà du déclenchement d'opérations hautement cinétiques, la région reste dominée par la guerre de l'ombre entre l'Iran et Israël, qui se joue à travers des opérations d'espionnage, des cyberattaques, des assassinats ciblés et une intense guerre de l'information. D'autres acteurs régionaux comme la Turquie et le Qatar sont également au cœur d'affaires de renseignement complexes.
Guerre secrète entre l'Iran et Israël :
Offensives et contre-offensives : L'Iran a revendiqué un "chef-d'œuvre du renseignement", affirmant avoir obtenu des milliers de documents sensibles sur le programme nucléaire israélien. En réponse, un groupe de dissidents iraniens (CNRI/MeK) a affirmé avoir divulgué un nouveau programme secret d'armement nucléaire iranien. Parallèlement, un rapport d'Axios a détaillé comment Israël a paralysé une contre-attaque iranienne en détruisant un bunker de commandement du CGRI et en menant des opérations de sabotage du Mossad au sol pour neutraliser les défenses aériennes et les lanceurs de missiles.
Arrestations et opérations : L'Iran a annoncé l'arrestation d'un réseau de cinq espions présumés du Mossad dans la ville de Yazd, et les forces israéliennes ont arrêté un adolescent de 13 ans à Tel Aviv, contacté sur Telegram pour photographier le système Dôme de Fer. L'Iran a également affirmé avoir abattu des drones israéliens en mission de reconnaissance.
Répression et incitations : Un journal israélien a ouvertement appelé le Mossad à assassiner les dirigeants du Hamas à l'étranger. L'ONG Hengaw a alerté sur le risque d'exécutions imminentes en Iran de prisonniers politiques, notamment kurdes, faussement accusés d'espionnage pour Israël, une pratique utilisée comme outil de représailles.
Activités des services de renseignement turcs (MIT) :
Un procès pour espionnage a révélé que le MIT surveillait activement des diplomates italiens et espagnols en Turquie.
L'agence est accusée de persécution religieuse, ayant fait d'un citoyen allemand chrétien vivant en Turquie depuis des décennies un "risque pour la sécurité nationale", menant à son expulsion.
Nordic Monitor rapporte également que les agents du MIT qui ont enlevé et torturé un enseignant au Kosovo en 2018 bénéficient d'une immunité judiciaire totale en Turquie, illustrant le manque de contrôle sur l'agence.
Autres sujets régionaux :
Liban/Yémen/Israël : Un haut responsable Houthi, chargé de la coordination avec le Hezbollah, a été arrêté au Liban pour espionnage au profit du Mossad israélien, constituant une brèche de sécurité majeure pour le mouvement yéménite.
Qatar/Inde/Israël : Un scandale diplomatique a éclaté avec l'emprisonnement puis la libération de huit anciens officiers de la marine indienne au Qatar. Ils étaient accusés d'avoir espionné un programme de sous-marins qatarien pour le compte d'Israël.
Émirats arabes unis : Le groupe de cyber-espionnage "Stealth Falcon", probablement lié aux EAU, a été identifié comme utilisant une faille "zero-day" de Microsoft pour mener des campagnes d'espionnage ciblées au Moyen-Orient, notamment contre une organisation de défense turque.
Asie-Pacifique
Cette zone est marquée par l'affirmation croissante de la Chine dans le domaine du renseignement et du militaire, provoquant des tensions avec Taïwan et les États-Unis, tandis que d'autres pays de la région font face à leurs propres scandales d'espionnage internes.
Offensive du renseignement chinois :
Cyber-espionnage : Un groupe lié à la Chine, surnommé "PurpleHaze", a ciblé plus de 70 organisations dans divers secteurs (gouvernement, finance, recherche) à travers le monde.
Harcèlement à l'étranger : Le Département de la Justice américain a inculpé deux ressortissants chinois pour le harcèlement violent d'un dissident aux États-Unis, incluant la crevaison de pneus et l'installation d'un traceur GPS.
Recrutement et contre-mesures : Le Ministère de la Sécurité de l'État (MSS) chinois a lancé une campagne de sensibilisation auprès des jeunes diplômés, les mettant en garde contre les pièges de recrutement tendus par des agences de renseignement étrangères via des offres d'emploi alléchantes mais suspectes.
Développement militaire : Une image satellite a révélé l'existence d'une immense aile volante furtive sur une base secrète chinoise, potentiellement le bombardier H-20 tant attendu, marquant un saut capacitaire majeur.
Taïwan face à l'infiltration chinoise :
Quatre anciens membres du parti au pouvoir (DPP) ont été inculpés pour espionnage au profit de la Chine, accusés d'avoir livré des informations classifiées.
Un scandale d'espionnage impliquant un ancien assistant a affaibli politiquement Joseph Wu, le chef du Conseil de sécurité nationale, ternissant son image et compliquant ses efforts pour contrer l'ingérence chinoise.
Autres points d'intérêt :
En Corée du Sud, une crise politique majeure a éclaté. Le Service national de renseignement (NIS) est soupçonné d'avoir effacé à distance les données du téléphone sécurisé de l'ancien président Yoon Suk Yeol trois jours après sa déclaration controversée de la loi martiale.
Aux Philippines, le Bureau national d'enquête (NBI) explore les liens potentiels entre les opérateurs de jeux en ligne illégaux (POGO) et des activités d'espionnage, soupçonnant que ces plateformes servent de couverture à la collecte de renseignements.
Thaïlande : Un épisode de la série "Spy Spots" s'est intéressé à la mystérieuse demeure de Jim Thompson à Bangkok, ancien agent de l'OSS et supposé officier de la CIA, qui aurait joué un rôle dans des activités clandestines durant la Guerre Froide.
Cambodge : Le pays a été le lieu de l'arrestation par le FBI d'un ancien analyste de la CIA, Asif William Rahman, qui a ensuite été condamné aux États-Unis pour avoir divulgué des documents secrets sur les plans de frappe d'Israël contre l'Iran.
Pacte AUKUS et stabilité régionale Le Pentagone a lancé un examen de l'accord de sécurité AUKUS (impliquant les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie) pour s'assurer de son alignement avec l'agenda "America First". Cet examen est dirigé par Elbridge Colby, un responsable qui avait déjà exprimé des doutes sur le pacte. L'accord, qui permet à l'Australie de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire, suscite l'inquiétude de pays asiatiques comme l'Indonésie, qui craignent une course aux armements et un impact sur la stabilité régionale
Amériques
Politique et défis internes du renseignement américain :
La Directrice du renseignement national (DNI), Tulsi Gabbard, a annoncé une nouvelle doctrine : privilégier l'achat de solutions technologiques auprès du secteur privé plutôt que de les développer en interne. Cette politique vise à permettre aux agences de se concentrer sur leurs missions exclusives.
La National Security Agency (NSA) fait face à un "exode de dirigeants expérimentés", une situation problématique alors que l'agence cherche à réduire ses effectifs de 8 % à la demande du Secrétaire à la Défense.
Un podcast de "The Team House" a mis en lumière le concept de "Surveillance Technique Omniprésente" (UTS), décrivant la collecte et l'analyse continues de données sur les individus, un enjeu central pour les libertés civiles à l'ère numérique.
Opérations, histoire et actions secrètes :
Un réseau paramilitaire américain mystérieux, le "Forward Observations Group" (FOG), a été mis en lumière. Sans statut légal, ce groupe est impliqué dans des actions secrètes, la guerre des drones et la formation de forces spéciales, agissant comme un mandataire discret de Washington, notamment en Ukraine et au Soudan.
La France a renforcé sa coopération avec les États-Unis en Floride pour lutter contre le trafic de drogue, y déployant des analystes spécialisés dans le renseignement géospatial (GEOINT) et l'interception.
L'Association des anciens officiers de renseignement (AFIO) a publié une vidéo sur les "Fantômes de Panama", revenant sur l'époque du Général Noriega et les opérations d'agents américains avant l'invasion de 1989, offrant une perspective historique sur les jeux d'espions en Amérique latine.
Espionnage et surveillance dans le reste du continent :
Canada : Un cas d'espionnage a impliqué un adolescent canadien de 17 ans, recruté par le FSB russe. Payé en Bitcoin, il a été arrêté en Pologne après avoir avoué ses liens avec les services russes. Cette affaire illustre les nouvelles méthodes de recrutement et de financement du renseignement russe.
Équateur : L'Assemblée nationale a approuvé une loi organique sur le renseignement, jugée controversée. Cette loi, poussée par le président Daniel Noboa, étend le contrôle de l'exécutif sur les fonctions de sécurité de l'information sous prétexte de la crise sécuritaire que traverse le pays.
Colombie Le pays fait face à une nouvelle vague de violence, avec plusieurs attentats à la bombe qui ont fait au moins sept morts dans le sud-ouest du pays. Cette violence survient après une tentative d'assassinat contre un sénateur de droite la semaine précédente. Dans ce contexte, le président Gustavo Petro a accusé les États-Unis de vouloir fomenter un coup d'État contre lui.
Afrique
Prolifération des logiciels espions :
Au Mozambique, des infrastructures liées au puissant logiciel espion Predator ont été découvertes pour la première fois. Cette trouvaille, rapportée par Insikt Group, montre que la technologie de surveillance continue de trouver de nouveaux clients gouvernementaux malgré les sanctions américaines contre ses créateurs (le consortium Intellexa). L'Afrique hébergerait plus de la moitié des clients connus de Predator, ce qui en fait un marché majeur pour l'industrie de la cybersurveillance. L'enquête a également établi un lien technique entre l'infrastructure de Predator et des entités commerciales liées à un entrepreneur tchèque soupçonné de travailler pour Intellexa.
Opérations clandestines :
Au Soudan, le pays a été mentionné comme l'un des théâtres d'opérations du Forward Observations Group (FOG), un réseau paramilitaire américain discret. Selon un rapport d'Intelligence Online, ce groupe, qui entraîne également des Marines américains, agit comme un mandataire de Washington non seulement en Ukraine mais aussi en Afrique, où il est impliqué dans des opérations spéciales et la guerre des drones. Cela positionne le Soudan comme un maillon d'une chaîne d'actions secrètes menées par des acteurs non-étatiques mais alignés sur les intérêts américains.